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Dossier ABO

Un lieu qui a secoué la Suisse: Jonschwil SG

24.05.2024 • Texte et photos: Rémy Kappeler

Quelle scène dramatique cela a dû être que l’exécution pour traîtrise à la patrie du jeune Ernst Schrämli, 23 ans, à la lumière des projecteurs aux abords de la forêt de Süsack à Jonschwil, le 10 novembre 1942. Selon les dires, les 16 soldats mobilisés à la dernière minute après leur permission connaissaient personnellement le condamné à mort. Tous tremblaient et certains pleuraient. La moitié d’entre eux auraient reçu des munitions réelles, l’autre moitié des balles à blanc, selon les propos d’un paysan nommé Wenger, habitant à proximité du lieu de l’exécution, recueillis dans les annales 2012 de Jonschwil. Les soldats auraient fait feu aveuglés par les projecteurs. Ernst Schrämli comptait parmi les 17 traîtres à la patrie exécutés au cours de la Seconde Guerre mondiale en Suisse.

Le bâtiment situé près de Seewadel, en aval de la forêt de Süsack, était alors un dépôt de munitions. L’endroit est morne, doté d’un grand bâtiment rectangulaire recouvert de vieilles tuiles, sans fenêtres. Une clôture grillagée à hauteur d’homme encercle la zone.

Que s’est-il passé pendant la Seconde Guerre mondiale? Ernst Schrämli a fourni au consulat allemand de Saint-Gall quatre grenades d’artillerie, un obus, la clé d’un dépôt militaire ainsi que quelques messages et croquis visiblement peu importants contre 500 francs et la perspective d’un visa allemand, preuve qu’il voulait quitter le pays. En 1975, le célèbre journaliste Niklaus Meienberg rédigea un article dans un magazine du Tages-Anzeiger, remettant cette histoire sur le devant de la scène. Un an plus tard, un documentaire fut diffusé à la télévision et Niklaus Meienberg revint sur le sujet dans un livre deux ans après. Tout cela suscita un violent débat public dans le pays. Niklaus Meienberg critiqua l’impitoyable instrument punitif de la justice militaire, alors que les hauts représentants de l’armée et les chefs économiques faisaient l’objet de procédures indulgentes, bien que leur comportement à l’époque nazie puisse bien plus clairement être considéré comme une trahison.

La vie d’Ernst Schrämli fut difficile, mais il ne fut, lui non plus, pas un homme facile. Il perdit sa mère tôt, son père était alcoolique et il n’y avait personne pour prendre soin de lui et de ses frères et sœurs. Il enfreint la loi à plusieurs reprises, fut mis sous tutelle, alla en maison de redressement et écopa de sanctions militaires. Dans les annales de Jonschwil, il est décrit comme un homme solitaire et peu fiable, un menteur et un psychopathe. Cependant, «Ernst Schrämli avait périodiquement des accès de regrets et rêvait tous les quelques mois d’obéissance et d’adaptation», écrivit Niklaus Meienberg. C’est pour cela qu’Ernst Schrämli se rendit au consulat allemand afin d’obtenir un visa. Il y rencontra un certain Monsieur Schmid, qui lui promit un visa et 500 francs contre des grenades suisses ainsi que des documents militaires. Il se serait comporté comme un père avec lui, selon les écrits de Niklaus Meienberg. Le psychiatre Hans-Oscar Pfister, qui effectua une expertise en octobre 1942, mentionne une «soumission à Monsieur Schmid» contre laquelle le jeune homme ne pouvait pas lutter. L’expertise ne fut toutefois pas d’une grande utilité au prévenu: le 10 novembre, le Conseil fédéral rejeta son recours en grâce, et Ernst Schrämli décéda le soir même.

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