Le repos des rapaces sur l’Irchel
Dans l’obscurité totale, hiboux et chouettes voient autant que les êtres humains, c’est-à-dire rien! Pourtant, ces rapaces nocturnes chassent la nuit et capturent avec une précision extrême leurs proies, des petits mammifères comme des souris, des écureuils, des rats ou des hérissons. Comment font-ils? Chouettes et hiboux ont un oeil de vertébré très grand qui occupe un tiers de la tête. Nos yeux, s’ils avaient les mêmes dimensions, auraient la taille d’une pomme! De plus, hiboux et chouettes ouvrent leurs pupilles sur presque tout l’oeil et possèdent plusieurs récepteurs pour la vision claire et sombre. Leurs yeux ne sont pas disposés sur le côté, comme ceux des autres oiseaux, mais à l’avant et sont immobiles. Leur champ de vision se réduit à 60 degrés, ils regardent fixement devant eux, ce qui leur permet de voler en toute sécurité, même dans l’obscurité.
Un tour presque complet
La vision est bien aidée par l’ouïe. Les oreilles des hiboux et chouettes font partie des meilleures du règne animal. Et elles ne sont pas seules, puisque tout le plumage du disque facial entend, formant le pavillon auditif par lequel le rapace capte les sons et les transmet aux oreilles. Celles-ci sont asymétriques, les ondes sonores atteignant la gauche un peu plus vite que la droite. Le rapace peut ainsi repérer la distance de sa proie jusqu’à 30 mètres, au poil près, et même adapter en permanence son vol aux mouvements de la souris. Il vole donc très lentement lorsqu’il chasse, à une vitesse de 20 à 30 kilomètres à l’heure.
Ces rapaces ne font aucun bruit, que ce soit en vol ou en position assise. Ils peuvent tourner la tête sans bouger le reste du corps, à 270 degrés de chaque côté, un tour presque complet, grâce à leurs 14 vertèbres cervicales mobiles. Les humains, eux, ne parviennent qu’à 90 degrés.
Hiboux ou chouettes, en Suisse, sont au nombre de huit. Après les plus petites espèces, la chevêchette et le petit-duc, viennent la chevêche d’Athéna et la chouette de Tengmalm. La chouette hulotte, le hibou moyen-duc et l’effraie des clochers sont un peu plus grands et le hibou grand-duc ferme la marche. Il mesure jusqu’à 75 centimètres, avec une envergure de 1,8 mètre. La chevêchette, malgré ses 16 centimètres de haut pour 35 centimètres d’envergure, tue des grives beaucoup plus grandes qu’elle.
En difficulté
Certains hiboux et chouettes vivent dans la forêt ou à sa lisière et apprécient ses habitats largement intacts et ses peuplements sûrs. C’est le cas de la chouette effraie, de la chevêchette et de la chouette hulotte, dont le hululement caractéristique résonne au printemps dans la nuit.
Les rapaces vivant sur les terres cultivées et à proximité des habitations se portent moins bien. La chevêche d’Athéna niche dans les arbres fruitiers à haute tige et les haies, des habitats toujours moins présents du fait de l’intensification de l’agriculture. Cette chouette autrefois très répandue en Suisse est fortement menacée. Le petit-duc se nourrit de gros insectes qu’il trouve dans les prairies maigres et les arbres à haute tige. On ne dénombre plus que 40 couples.
La chouette effraie, au disque facial en forme de coeur, connaît un autre problème. Elle vit et niche dans les clochers d’églises, les bâtiments abandonnés et les granges, où elle chasse les souris dans les céréales et le foin. Pour des raisons d’hygiène, les étables sont maintenant fermées, le foin et les céréales sont stockés ailleurs. En hiver, lorsque le sol gèle, cette chouette ne trouve presque plus de souris. Elle s’affaiblit et meurt de faim ou, si on la trouve à temps, atterrit chez Andi Lischke, à la station de rapaces zurichoise de Berg am Irchel.
De nombreux dangers
«Nous soignons chaque année près de 300 rapaces et leur offrons une seconde vie», explique le directeur de la station. «La plupart sont blessés ou affaiblis. S’y ajoutent les jeunes oiseaux qui ont quitté le nid trop tôt.»
Les hulottes juvéniles quittent le nid sans savoir voler et sont encore nourries par leurs parents.
Mais que fait une chouette dans une station de rapaces? «Un oiseau au bec crochu et aux griffes acérées est un rapace. Parmi eux, on trouve les accipitridés, les faucons, les hiboux et les chouettes, justement.»
Les milans et les buses sont victimes du
trafic ou ne trouvent pas assez de nourriture.
Faucons crécerelles et éperviers entrent souvent
en collision avec des vitres parce qu’ils
vivent et chassent près des habitations. Enfin,
les grands-ducs meurent aussi car ils
volent à basse altitude ou s’électrocutent sur
les lignes où ils se reposent. Le danger serait
écarté si les installations étaient isolées, mais
le secteur de l’électricité s’est opposé en 2023
à une prescription à ce sujet.
Soif de connaissances
Les patients à plumes arrivent en général à la station grâce au service de sauvetage des animaux du refuge Pfötli. Parfois, quelqu’un amène un oiseau. «Après l’admission, nous regardons si l’animal a des chances de survie dans la nature. Si ce n’est pas le cas, on met fin à ses souffrances», précise Andi Lischke. Cette consigne judicieuse émane de l’office vétérinaire et de l’administration de la chasse, qui assurent la surveillance de la station.
Si on lui donne une chance, l’oiseau est enregistré dans la base de données des patients avec son âge, son espèce, son sexe, sa taille, son poids et son état de santé. S’il faut l’opérer, il part au service de médecine des animaux sauvages de l’hôpital vétérinaire universitaire de Zurich. «Grâce à nos patients, l’hôpital peut acquérir plus de connaissances en médecine aviaire. Des vétérinaires très impliqués leur offrent les meilleurs soins et le secteur de la recherche de l’hôpital assume les frais.» La station, elle, s’occupe ensuite des oiseaux jusqu’à leur remise en liberté.
Il existe une collaboration tout aussi fructueuse
avec le service de sauvetage des animaux.
Lorsque des rapaces sont trouvés, une
annonce est envoyée à des bénévoles qui
vont les chercher et les amènent à Berg am
Irchel. En contrepartie, Andi Lischke et son
équipe les forment pour qu’ils et elles disposent
des connaissances nécessaires.
Irchelturm
La plateforme panoramique de l’Irchelturm est située à 28 mètres au-dessus du sol. D’ici, la vue s’étend de la Forêt-Noire aux Alpes en passant par le Plateau. Erigée en 1983, cette construction en acier et en béton de 32 tonnes a remplacé la première tour bâtie en 1930 avec l’aide du CAS de Winterthour.
Entraînement dans la volière
Les oiseaux sont soignés dans des chambres isolées. «Ici, ils sont au calme, peuvent bien se reposer et reprendre des forces», explique l’expert. Lorsqu’un animal est bien remis et que ses blessures sont guéries, il est transféré dans l’une des deux grandes volières en plein air. Dans la halle elle aussi isolée, les oiseaux s’entraînent au vol et développent leur musculature. Ensuite, une fois que l’oiseau ne souffre plus, rien ne s’oppose à son envol vers la liberté. Selon Andi Lischke, sept à huit oiseaux sur dix quittent le centre guéris.
Strixi et Sidra, eux, semblent ne pas vouloir quitter ce lieu. Ce couple de chouettes de l’Oural vit dans une grande volière à l’entrée de la station. Ce sont les chouchous du public lorsque la station organise des visites. Ils participent à un projet européen de réintroduction des chouettes de l’Oural dans le massif du Wienerwald. Chaque année, une à quatre chouettes juvéniles sont transportées en Autriche en jet privé, grâce à un sponsor et à un pilote.
La proposition de randonnée correspondante
Hiboux et chouettes dans la campagne zurichoise
La discrète chaîne de collines séparant le Weinland zurichois de la vallée inférieure de la Töss se nomme Irchel. Très boisée, elle est entourée par la Thur, la Töss et le Rhin et compte des villages aux jolies maisons à colombages. Ici, chaque année, on relâche plus de 300 rapaces. Ces oiseaux, blessés ou affaiblis, ont été confiés à la station de rapaces de Berg am Irchel, qui les a soignés. Il s’agit souvent de milans royaux et de buses, mais aussi de chouettes hulottes, d’éperviers, de faucons crécerelles et d’imposants grands-ducs. En balade sur l’Irchel, on ne voit rien de tout cela. Ou peut-être que si? En observant bien, on distingue des milans royaux et des buses sur la cime des arbres. Peut-être va-t-on apercevoir un faucon crécerelle, qui s’immobilise presque avant de fondre sur sa proie. Quant à la chouette hulotte, on ne l’entend qu’à la tombée de la nuit, lorsque son hululement lugubre résonne dans les bois. Après le départ de Buch am Irchel, on rejoint assez vite la tour Irchel. De sa plateforme, perchée à 28 mètres, on admire la Forêt-Noire, les Alpes et le Plateau. La randonnée se poursuit sur des chemins assez larges, sur la longue crête de l’Irchel, vers la Hochwacht. En chemin, des aires de pique-nique invitent à une pause. Sur la Schartenflue, on peut faire un détour par la grotte de Frère Lienert puis rejoindre la Hochwacht. Là se trouve la plus petite cabane scoute de Suisse et un foyer pour grillades. Berg am Irchel, le but de la randonnée, est proche. La station de rapaces voisine du Bungerthof ne se visite que lors de manifestations publiques, mais on verra peut-être Strixi et Sidra, le couple de chouettes de l’Oural, qui vit dans une volière à l’entrée de la station.
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